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Carnets de voyages d'une parisienne matérialiste.
26 août 2011

Trois jours pour penser à ses ancêtres.

En France, je ne pratique pas la religion. Je ne crois pas en Dieu.

Au Japon, je découvre la culture et participe à la vie familiale, donc sans pour autant me mettre à mystifier le monde, je suis quand même devenue la première à vouloir participer aux rituels religieux. Quand on vit à l'étranger, on ose franchir certaines barrières derrière lesquelles on reste cloîtré dans son propre pays.

La religion est le bouddhisme (bukkyoo).

Bien-sûr, je ne témoigne ici que de mon ressenti et de ce que cela m'inspire, je ne vais pas vous faire un exposé théologique ou sociologique ou mathématique ou...

7 août - Au temple, on prie pour les ancêtres.

La famille se réunit chez les grands parents. On apporte des présents qui se trouvent souvent être de la bière ou du saké !

Le grand-père est en train de plier des feuilles blanches dans lesquelles il glisse une pièce de 100 yen.

Tout le monde se prépare. Les hommes mettent autour du cou une sorte d'écharpe-collier, les femmes sortent les ombrelles et les éventails. On distribue des espèces de petits bracelets de perles de différentes couleurs que l'on prend dans sa main pour prier. Cela me fait penser au chapelet. C'est drôle, ces petites similitudes que l'on retrouve dans les rituels religieux de l'autre bout du monde.

Les gens arrivent au compte goutte.

On part pour le temple.

En fait, il y en a plusieurs, des petits, des grands... dans un même jardin. Il n'y a pas une "messe" pour tout le monde, les familles se repartissent dans les différents temples et attendent leur tour.

On est accueillis par l'homme de cérémonie, pendant que les hommes déroulent une sorte rouleau de papier ou de tissu sur lequel figure des textes et des dessins. Chaque famille possède le sien.

L'oncle de Kazou me propose gentiment une chaise. Je n'ose pas refuser. Je m'assoie et alors les autres s'installent par terre autour de moi. Je me sens con perchée sur mon trône.

L'homme de cérémonie entame un chant mystique, guttural. Deux par deux on s'agenouillent devant l'autel. On dépose en offrande la pièce de 1OO yen (ou plus) enveloppée dans le papier blanc. Puis on rajoute un peu de poudre à l'encens qui se consume, avant de se recueillir les mains jointes.

Une fois que tous les membres de la famille se sont recueillis, l'homme de cérémonie nous fait passer à côté, nous offre une tasse de thé vert et une petite chose à manger puis enchaîne avec la famille suivante. On discute, on boit le thé, on fait la vaisselle et on rentre ensemble chez les grands parents.

Le grand-père s'installe alors devant l'autel de la maison. On se positionne, assis par terre, derrière lui, chacun son livre de prières à la main. Et tout le monde recommence le chant mystique. Je regarde, amusée.

Puis l'on passe à table.

Je me souviens des repas de famille en France. A la fin, mon père et mon grand père tentaient toujours de lutter pour ne pas se laisser gagner par le sommeil (Ce n'est pas poli de s'endormir chez quelqu'un) avant de finir par ronfler en coeur dans les canapés.

Ici, comme on mange déjà assis par terre, le mouvement pour passer à la positon allongée se fait naturellement. Donc ceux qui veulent dormir se prennent un coin de tatami et tout le monde fait sa petite sieste en famille.

L'après-midi, on regarde le base-ball (le sport national) à la télé, on va cueillir des concombres, aubergines, tomates, haricots, etc. dans le potager du grand-père.

Et le soir c'est barbecue ! Avec la délicieuse viande qui font dans la bouche... Miam !

Jour des ancêtres-1

13 août - C'est "Obon". Trois jours fériés. On célèbre un office pour le repos de l'âme des ancêtres. Avec les soeurs de Kazuki, on part dans la montagne sur la tombe familiale. On la nettoie avec de l'eau et du sel, pour empêcher les mauvaises herbes et la mousse de s'installer. On met des fleurs dans les vases, on pose une bière (!) et des gâteaux apéros en offrande. Puis on s'agenouille, encore une fois, les mains jointes, pour se recueillir.

On s'agenouillera également devant la statue de Jizoo, protecteur des enfants et des voyageurs, à l'entrée du cimetière.

Enfin, ce coup-ci, on va manger avec la famille de Satoshi, le beau père de Kazuki.

 

Je me suis étonnée de retrouver cette position, à genoux les mains jointes, les yeux fermer, pour se recueillir. Tellement de différences et pourtant, quand on prie, on prie de la même manière. Je ne m'étais jamais agenouillée devant Jésus. Je crois bien que c'est même la première fois que j'adopte cette position.

"Ici, ce n'est n'est pas du contenu de la prière qu'il est question, mais de la gymnastique qu'elle suppose. Il s'agit bien de gymnastique, parce qu'il s'agit de soumettre le corps à des mouvements pour s'en rendre maître, pour le libérer de la violence indomptée et de la tension des passions. Le corps en prière se délie en empêchant l'émotion brutale de s'exprimer. Parce que je ne ferme pas la main, la colère est évitée et l'imagination apaisée. Parce que je suis à genoux, l'emportement est retenu et le corps concentre la pensée."  (Apprendre à philosopher avec Alain de Baptiste Jacomino)

Alain était un philosophe non croyant et il faisait pourtant l'éloge de cette posture.

Il ne s'agit pas de pensée magique, pour demander je ne sais quel miracle. Juste de se poser quelques minutes et d'oublier ses colères et ses peines, s'apaiser. Cette position que l'on retrouve à l'autre bout du monde est comme naturellement, empiriquement, inscrite en nous, humains.

C'est également une position de Yoga.

"[...]nos deux mains ne faisant plus qu'une, réunissent tous les contraires, la gauche et la droite, le jour et la nuit, le masculin et le féminin, la fermeté et la douceur, l'être et l'avoir, le vide et le plein, l'esprit et la matière, l'inspir et l'expir. C'est donc un geste créateur d'unité qui, en branchant nos deux polarité, le plus et le moins, éveille en nous une nouvelle énergie, un nouveau courant vital." (Petit cahier d'exercices de méditation au quotidien - Marc de Smedt)

(Oui, mes lectures, c'est l'eclate.)

16 août - Feux d'artifice ! Et oui encore : l'été, le Japon pète le feu.

Ce coup-ci, nous sommes allées les voir sur la plage, noire de monde, de Tsuruga.

Les gens pique-niquent, de la musique est diffusée par des haut-parleurs, quand tout à coup retenti une sorte de chant mystique.

Des personnes se lèvent alors, et vont portés jusqu'à la mer des sortes de petites lanternes en papier.

Quand je demande de quoi il s'agit à la mère de Kazuki, elle me dit que c'est encore une fois pour rendre hommage aux morts, et que "les japonais aiment...", elle joint alors les deux mains et ferment les yeux, pour toute explication.

P1010076

Je vous laisse imaginer (parce qu'avec mon appareil, je n'ai pas été foutue de prendre une photo correcte), quand la nuit tombe, les lanternes envahissent la mer accompagnées par les chants mystiques et gutturaux... 

Et alors la musique devient de la Japan-Pop et les feux d'arifices commencent. Entre deux on a le droit à des messages personnels (une demande en mariage, des encouragements, etc.).

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P1010145

 

 

 

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Commentaires
C
lol ! poulette !! ;)
M
très très bon exposé de ces rites religieux! je me sens presque coupable d'avoir choisi le camp des mécréants! ( bon je vais aller fleurir la tombe de mamie avant de quitter la Bretagne moi...)
C
Merci Annelore ^^ effectivement j'ai toujours voulu fonder une secte, être le nouveau Jesus, tout ça ... La ChouFleur Fondation (à prononcer à l’américaine), ça sonne bien, non ? ^^ Grosses bises à toi et à la chouquette !
A
wahouuuu , super! encore! enocre! je bois littéralement tes paroles!<br /> c'est toi ma nouvelle religion! le culte de choufleur!<br /> des bisettes!
C
Merci ma Choupette !! Moi aussi je t'embrasse fort !! ;) et j'espère que tout roule pour toi !!
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